EXPROPRIATION : Présomption d’urgence à suspendre l’arrêté de cessibilité même après l’ordonnance d’expropriation
Dans sa décision en date du 27 janvier 2021 , le Conseil d’Etat, 6ème et 5ème chambres réunies, est venu étendre la présomption d’urgence dont bénéficie le requérant à une demande de suspension d’un arrêté de cessibilité, quand bien même la propriété du bien serait déjà transférée à l’expropriant.
Pour rappel, la présomption d’urgence permet d’inverser la charge de la preuve de la condition d’urgence relative à toute demande de référé-suspension et de faire peser celle-ci, en l’espèce, sur l’expropriant.
Le principe de la présomption d’urgence avait déjà été posé par le Conseil d’Etat qui précisait « qu’eu égard à l’objet d’un arrêté de cessibilité, à ses effets pour les propriétaires concernés et à la brièveté du délai susceptible de s’écouler entre sa transmission au juge de l’expropriation, pouvant intervenir à tout moment, et l’ordonnance de ce dernier envoyant l’expropriant en possession, la condition d’urgence à laquelle est subordonné l’octroi d’une mesure de suspension en application de l’article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée, en principe, comme remplie » .
Dans sa décision du 27 janvier 2021, le Conseil d’Etat est allé encore plus loin.
Tout en rappelant ce principe de la présomption d’urgence attaché à la demande de suspension de l’arrêté de cessibilité, il ajoute que l’urgence doit être regardée comme remplie « alors même que l’ordonnance du juge de l’expropriation procédant au transfert de propriété est intervenue ».
Dès lors, le Conseil d’Etat étend le bénéfice de la présomption d’urgence, devant le juge administratif, à la situation où le juge de l’expropriation, juge judiciaire, a déjà pris une ordonnance d’expropriation qui transfère juridiquement la propriété du bien de l’exproprié à l’expropriant.
Au regard de la rédaction du considérant, il apparait que le caractère définitif ou non de l’ordonnance d’expropriation soit indifférent.
Bien sûr, cette présomption continue à trouver sa limite selon le Conseil d’Etat lorsque « l’expropriant justifie de circonstances particulières, notamment si un intérêt public s’attache à la réalisation rapide du projet qui a donné lieu à l’expropriation » de sorte qu’elle pourra largement être renversée.
Néanmoins, cette décision témoigne encore de l’imbrication pas toujours évidente entre la phase administrative et la phase judiciaire de la procédure d’expropriation.
Maître Andréa MARTIN
Avocat au Barreau de Grenoble
1.CE, 6ème et 5ème chambres réunies, 27 janvier 2021, n°437237
2.CE, 5 décembre 2014, Consorts Le Breton, n°369522