PROCEDURE

Droit routier - Épreuves de dépistage de l'imprégnation alcoolique

Droit routier - Épreuves de dépistage de l'imprégnation alcoolique - Pouvoirs des Agents de Police Judiciaire - Nullité de la procédure

L'article L. 234-3, al. 1er du code de la route dispose,

« Les officiers ou agents de police judiciaire de la gendarmerie ou de la police nationales territorialement compétents et, sur l'ordre et sous la responsabilité desdits officiers de police judiciaire, les agents de police judiciaire adjoints soumettent à des épreuves de dépistage de l'imprégnation alcoolique par l'air expiré l'auteur présumé d'une infraction punie par le présent code de la peine complémentaire de suspension du permis de conduire ou le conducteur ou l'accompagnateur de l'élève conducteur impliqué dans un accident de la circulation ayant occasionné un dommage corporel. »

La circulaire du 6 décembre 1990 relative à l'application de la loi n° 90-977 du 31 octobre 1990 portant diverses dispositions en matière de sécurité routière, publiée au J.O. n° 290 du 14 décembre 1990 (page 15338) mentionne que si la loi prévoit que « les opérations de dépistage pourront être effectuées par des agents de police judiciaire agissant sur l'ordre et sous la responsabilité des officiers de police judiciaire », lorsque « l'officier de police judiciaire donnera aux agents de police judiciaire l'ordre d'exécuter des opérations de dépistage au cours d'une de leurs missions, il devra mentionner les temps et les lieux déterminés au cours desquels ces contrôles pourront avoir lieu ».

Il résulte de la combinaison de ces deux textes que l'agent de police judiciaire peut donc, "sur ordre et sous la responsabilité d'un officier de police judiciaire" exécuter des opérations de dépistage d'alcoolémie. Cependant, cet ordre - nécessairement écrit pour être vérifié par le Juge - devra mentionner les temps et les lieux déterminés au cours desquels ces contrôles pourront avoir lieu.

Dans un arrêt du 10 mars 1998 (n° de pourvoi 97-81908) la chambre criminelle de la Cour de cassation avait jugé qu'à défaut de mention dans le procès-verbal de constatation de l'infraction de l'ordre donné à l'agent de police judiciaire, il suffisait alors de produire aux débats un bulletin de service matérialisant l'ordre encadrant le contrôle :

« Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que, contrairement aux énonciations de l'arrêt, le procès-verbal de constatation de l'infraction poursuivie, soumis au contrôle de la Cour de Cassation, mentionne également les temps et lieux des opérations de dépistage, et qu'il n'importe que le bulletin de service sur lequel a été porté l'ordre donné par l'officier de police judiciaire n'ait pas été joint à la procédure, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé ; »

A contrario, si le procès-verbal de constatation de l'infraction mentionne non seulement le nom de l'officier de police judiciaire mais également « les temps et lieux des opérations de dépistage », il n'était alors pas besoin de produire aux débats le bulletin de service remis à l'agent de police judiciaire par son supérieur hiérarchique.

Rappelons qu'en application de l'article 85 du Décret n° 69-232 portant Règlement du Service Intérieur de la Gendarmerie Nationale, le bulletin de service, « c’est l’ordre écrit que remet le commandant d’unité au moment du départ des gendarmes en service. Les bulletins de service doivent être adressés aux commandants de compagnie ou d’escadron avec le cahier de service, dans les trois premiers jours du mois suivant. »

Cependant, dans un arrêt du 22 mars 2016, la chambre criminelle de la Cour de cassation juge qu'un procès-verbal qui indique pourtant l'heure et le lieu du contrôle et fait ressortir que l'agent de police judiciaire a agi sous l'autorité d'un officier de police judiciaire ne saurait suffire, il appartient encore au juge du fond, dans un tel cas, de rechercher si l'ordre reçu de l'officier de police judiciaire permettait un contrôle préventif aux heures et lieu de l'infraction.

« Attendu que, pour écarter l'exception de nullité du procès-verbal de constatation de l'infraction soulevée par M. X..., qui soutenait que ce procès-verbal ne précisait pas la nature de l'ordre reçu concernant les heures et lieu du contrôle préventif effectué, l'arrêt énonce que le procès-verbal indique l'heure et le lieu du contrôle, à savoir le 20 février 2013, à 1 heure 18, au 75 rue de la Faisanderie à Paris XVIème, et fait ressortir que l'agent de police judiciaire Philippe Y...a agi sous l'autorité des officiers de police judiciaire Alexis Z...et Thierry A...;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si l'ordre reçu de l'officier de police judiciaire permettait un contrôle préventif aux heure et lieu de la constatation de l'infraction, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ; »

Dès lors, pour que le procès-verbal de constatation de l'infraction ne soit pas annulé, quand bien même il mentionnerait l'heure et le lieu de l'épreuve de dépistage, le bulletin de service émanant de l'officier de police judiciaire devra être annexé au dossier pénal au plus tard le jour de l'audience.

À défaut, la procédure serait annulée dans son entier avec pour (heureuses) conséquences pour le contrevenant alcoolisé l'absence de condamnation pénale et plus encore, l'absence de perte de points sur son permis de conduire.

C'est dans ce sens qu'une juridiction pénale de Fréjus a d'ailleurs statué le 1er septembre 2016 dans une affaire plaidée par mes soins.

                                Maître Bernard BOULLOUD, Avocat au Barreau de Grenoble